Théâtre du Passeur - 88 rue de la Rivière 72000 Le Mans - Tél.: 02 43 76 65 82

KAFKA SUR LE COUPERET DES MOTS...

Bien sûr, le public salue la performance mais ce n'est pas là le plus passionnant. Le public a-t-il à son insu même mesuré l'effet d'un tel texte ? De fait oui, car son écoute attentive voire sacrée nous apprend beaucoup sur la force des propos de Kafka. De fait, ils sont venus se confronter à ce texte dont ces deux comédiens courageux nous révélent l'existence. Ce que le mot art signifie est bien une énigme. On voudrait savoir mais Kaflka nous déroute en nous faisant vivre le réel de cette réalité là. Qu'est-ce qui nous amène à écouter un texte aussi incompréhensible, à suivre des réflexions absurdes et des démarches aussi inutiles ? Pourtant nous voilà suspendu à leurs lèvres. Avec le dérisoire espoir que quelque chose de tangible fasse tout à coup sens ? Qu'un message clair nous soit donné en récompense de notre écoute attentive? Mais non, il est sans concession, l'art nous échappe et même à celui ou celle dont c'est le « métier ». L'art se ressent, nous fait vibrer, nous interroge mais ne nous délivre jamais son secret. Déchirante solitude de l'être, d'un soi qui au mieux entend l'impossible présence. L'impalpable a eu lieu. La preuve immatérielle tient dans notre écoute soutenue. Peut être que Kafka a voulu cela. Il nous a plongé un temps dans le hors du temps. Il nous a suggéré un mouvement silencieux où nous restions bien là bouche ouverte..alors, merci d'avoir su nous faire entendre l'inaudible dans la texture d'un lien entre nous devenu possible. L'art serait une énigme certes mais il choisit de nous laisser entendre qu'il s'agit d'un mouvement. Ce mouvement sera évoqué sur un mode littéraire avec une démarche qui nous amène à une curiosité jamais récompensée. A nous de sentir que c'est peut être le déroulement même de ce qui se dit et est vécu qui se nomment ART. Ce n'est pas une idée mais un mouvement qui est individuel, collectif et inséparable du déroulement du temps, de la vie même sans doute. Vie qui justement est en train de faire faux bond à ce génie tenace....

Le public mesure l'empathie des comédiens pour ce texte et le labeur auusi sans lesquels rien n'adviendrait. Une mise en scène aride mais tonique afin que le texte nous parvienne dans son essence. Le Passeur devient au fil du temps le lieu où de tels offrandes trouvent espace et temps à être.

Yannick Lefeuvre